Une fois par mois, nous donnons la parole à de jeunes artistes sous le format d’une interview. Ce format a pour objectif de donner aux jeunes artistes un espace de discussion et de partage de leurs productions, mais aussi de faire découvrir au public leurs parcours & leurs démarches artistiques. Ce mois-ci, nous avons eu le plaisir d’échanger avec Jeanne Gourlaouen, artiste sculptrice.
Je m’appelle Jeanne Gourlaouen, je suis née en Bretagne et j’ai fait des études en design produit à l’ENSAAMA Olivier de Serres. Je suis sculptrice et actuellement on peut me trouver au 59 Rivoli où j’ai mon atelier. J’ai commencé ma carrière lors de la Paris Design Week en 2021.
J’ai intégré le 59 Rivoli il y a deux ans en tant qu’artiste temporaire et maintenant je suis artiste résidente depuis trois mois. Ce lieu est un vrai défi car j’avais des petits espaces au début. L’affluence des visiteurs est un point central dans notre quotidien vu qu’on est en contact direct avec le public cela peut contraindre par moments notre processus créatif mais c’est aussi très stimulant !
Peux-tu nous parler de ta pratique et ce qui t’inspire.
Je crée des petites sculptures de par la taille de mon atelier à Paris et quand je travaille en Bretagne je réalise des formats plus grands. Pour la Paris Design Week de 2021, j’ai créé des pattes de goélands de 2m80 – c’est d’ailleurs à ce moment que ma passion pour la sculpture et l’art a pris de l’ampleur. Je réalise mon premier solo show du 22 novembre 2024 au 6 janvier 2025, à Rennes où je vais présenter une banane de 4 mètres.
Ma pratique est très spontanée, je ne réfléchis jamais à l’avance sur mes idées. J’ai essayé d’autres médiums lors de ma résidence à POUSH mais j’ai su instantanément que la sculpture c’était moi au moment où j’ai essayé d’autres choses.
Je commence par un point de départ, souvent une sculpture que je choisis de développer. Par exemple, la série que je travaille en ce moment, le point de départ est le coquillage avec des langues. L’idée m’est venue en Bretagne, du coquillage que l’on écoute à l’oreille comme s’il parlait, il a son langage propre donc sa langue. C’est pour cela que je mettais des langues au départ dans les coquillages. Depuis, j’ai décliné sous plusieurs formes et l’exploration du sujet a évolué en notion alimentaire.
Les sculptures des bananes ont pris une dimension pop art et plus rock’n’roll.
Maintenant, je suis sur une série de fruits.
Je travaille essentiellement pour moi et me faire plaisir ! Je ne cherche pas une réflexion philosophique. Ce qui m’exalte, ce sont les couleurs, les formes et le côté subversif. Je ne souhaite pas un art élitiste mais un art pour tout le monde, que chacun peut s’approprier.
Est-ce que tu pourrais me donner des événements marquants dans ta carrière, celui qui t’a le plus challengé?
C’était ArtGround London à la Saatchi Gallery, lors d’une exposition collective.
J’y suis allée toute seule avec toutes mes sculptures dans trois valises à l’arrache. Alors que les autres artistes avaient des équipes de 10 personnes et n’étaient pas présents. J’étais fatiguée, je ne connaissais personne et j’ai installé mes œuvres. C’était impressionnant !
Peux-tu nous raconter ton expérience avec la résidence POUSH ?
Ce fut grâce à mon diplôme de design produits. A l’époque, Poush n’avait pas encore déménagé à Aubervilliers, ils étaient à Clichy et ils cherchaient à intégrer des artisans et des designers pour créer un pôle design. Ils ont lancé un appel à candidatures à l’Institut National des Métiers d’Art de Paris, j’ai postulé et j’ai été prise. C’était une chance inouïe, car c’était la première fois que j’avais un atelier où je pouvais me consacrer à 100% à ma pratique pendant 6 mois ! Avant, je dessinais peu, je faisais trois sculptures car j’avais peu de temps mais avec Poush, tout a changé ! Le rythme était intense, j’étais stimulé par les artistes autour de moi et par l’énergie du lieu. Cela m’a beaucoup enrichie plastiquement et humainement mais aussi professionnellement car ça m’a donné une visibilité auprès des galeries et des résidences.
Est-ce que tu dirais que tu as envie d’avoir une carrière à l’international ?
Oui ! J’ai eu un vrai coup de cœur pour la culture anglaise lors de mes expositions à Londres et à Bath. Réaliser des résidences à l’étranger et voyager, cela signifie s’élargir et s’ouvrir à des techniques et styles différents qui peuvent être propres à chaque pays.
Selon toi, en tant qu’artiste émergente, quelle est ta plus grande difficulté?
Les réseaux sociaux !! Savoir gérer son contenu, sa visibilité, en somme : se mettre en avant ! Je suis plutôt discrète donc ça me demande un effort. Tout ce qui attrait à l’administratif et à Internet également car c’est contre-intuitif pour un artiste. Il faut avoir plusieurs casquettes, savoir tout gérer seule alors qu’on veut juste créer ! Et quand on commence à entrer en contact avec les galeries, ça se complexifie !
Un conseil pour ceux qui voudraient prendre le même chemin que toi.
De continuer et de jamais désespérer !
On peut parfois avoir envie d’abandonner car les débuts sont très difficiles puisque tu ne sais pas vers où tu vas et que parfois t’as pas d’argent. Tu peux être tentée de rentrer dans le système et de reprendre un travail alimentaire mais il faut tenir bon ! Je vous assure que ça vaut la peine de tout quitter et de suivre un chemin différent.
Moi, pendant presque un an, je ne gagnais pas ma vie, j’ai dû être hébergée chez plusieurs personnes car je n’arrivais pas à trouver d’appartement mais maintenant ça va mieux !
Mais aussi, ne pas se comparer aux autres !
C’est extrêmement difficile dans un milieu compétitif et médiatisé. Mais peu importe l’âge, peu importe notre façon de travailler ou notre stade où on est arrivé dans l’art. Restez vous-même, votre art est personnel, unique. Tracez votre route, on a tous des chemins différents !
Où te verrais-tu dans 5 ans?
J’aimerais évoluer stylistiquement, réaliser des œuvres volumineuses et faire plus d’expositions ! Avoir mon propre atelier, être stable et pas forcément à Paris.
Est-ce que tu pourrais me donner trois mots pour ton travail ?
Pop. Sucré. Rose, parce que j’utilise souvent le rose.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite?
Peut-être garder une bonne santé. Ne pas trop abuser des fêtes.