Par où commencer ? Je pense que cet article nécessite un peu de backstory. Rémi Giordan et moi, nous nous sommes rencontré à la fac de biologie il y a 7 ans. En ce temps là, on était vraiment jeunes et cons, on pensait devenir zoologistes et nous venions tous les deux de coins paumés du sud de la Drôme.

Oui, ce département absolument sublime, qui condense à la fois le fait d’être une destination touristique de choix pour les hollandais, un immense verger à pêches et abricots, la plaque tournante ferroviaire du sud, un point de passage obligé vers la côte d’azur grâce à sa fameuse A7 et aussi un rassemblement de néo-ruraux soixantuitards fans d’art, de laine et de poteries.

Et au milieu, coule une rivière. C’est là, au milieu des champs de pêche, des rayons de soleil et des cigales que le drame réaliste en trente minutes de « Cet été là » prend place. L’histoire que nous montre Rémi est universelle et pourtant, à chaque fois que je la croise, je ne peux m’empêcher de ressentir un petit frisson de « ah oui encore, remettez moi en une petite couche s’il vous plait, ça m’avait manqué », un peu comme le bout du cornetto croustillant au chocolat et aux noisettes là.

Je sais que vous voyez très bien de quoi je parle.

Je m’explique : ici, il n’est pas question de vous révéler quoi que ce soit de l’intrigue, mais de vous dire en quoi le film de Rémi s’inscrit avec brio dans cette esthétique que j’affectionne particulièrement et que j’aime appeler « Réalisme solaire ».

Les films « réalistes solaires » ont bercés mon goût cinématographique depuis le lycée. Je pense que tout a commencé avec l’excellent « Les combattants » (2014), le premier succès grand public de Thomas Cailley (Le règne animal). Dans ce film, le réalisateur envoi les jeunes Adèle Haenel et Kévin Azaïs dans une colonie militaire au cœur des Landes et les deux héros se retrouvent à survivre au milieu des bois et à finalement vivre une histoire d’amour. Le ton est caustique, ici pas de chichis, on dégueule derrière un pin après avoir fait l’amour dans le sable.

Les combattants, Thomas Cailley (2014)

J’ai immédiatement adoré cette façon de raconter la jeunesse, ses rêves et ses désillusions, comme si vous y étiez, comme si vous étiez un de la bande. Le réalisme solaire somme toute. Les thèmes récurrents sont le retour aux racines : rentrer chez papa-maman et retrouver ses amis d’enfance, la désillusion causée par le passage à l’âge vraiment adulte, la France « de la province », la confiance gagnée par l’expérience, l’amour qui te saisi simplement au détour d’un groupe d’amis.

Dans la même veine, j’aime à ajouter « Rien à foutre » de Emmanuel Marre et Julie Lecoustre, qui raconte les déboires et le retour au bercail d’une hôtesse de l’air dans une compagnie low-cost, « A l’abordage » de Guillaume Brac, narrant les vacances improbables dans la Drôme de deux jeunes des banlieues parisiennes ou encore « Fragile » de Emma Benestan, qui raconte la peine de cœur d’un jeune ostréiculteur à Sète.

À l’abordage, Guillaume Brac (2020)

Le film de Rémi a toute sa place dans cette magnifique lignée, doux-amer mais surtout velouté comme une pêche bien mûre. Le personnage principal est confronté à une déconstruction de la masculinité, celle des autres et celle qu’il veut pour lui-même. Il se retrouve en décalage avec ses amis d’enfance et doit retrouver comment se connecter aux autres malgré leurs vies qui semblent diverger.

Cet été là, Rémi Giordan (2023)

Je pense sincèrement que les questionnements du héros de « Cet été là » feront écho au vécu de beaucoup d’entre nous. D’un point de vue purement esthétique, la photographie est éblouissante (au sens premier comme au second) et rends hommage à ce territoire qui nous a vu grandir.

Un premier film qui donne le ton pour la suite, qui sera je l’espère, très fertile.

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