Une fois par mois, nous donnons la parole à de jeunes artistes sous le format d’une interview. Ce format a pour objectif de donner aux jeunes artistes un espace de discussion et de partage de leurs productions, mais aussi de faire découvrir au public leurs parcours & leurs démarches artistiques.
Ce mois, nous avons eu le plaisir d’échanger avec Lucien Lyon, actuellement étudiant en master peinture à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Visuels de la Cambre en Belgique.

Salut Lucien, tout d’abord, pourrais-tu te présenter ?

Salut ! Je m’appelle Lucien Lyon, j’ai 22 ans, je suis né à Paris et j’habite à Bruxelles depuis à peu près 4 ans. Je suis étudiant à La Cambre en Master 1 cette année.

Quels sont les sujets que tu abordes dans ta pratique ?

Ma pratique vise à créer des relations entre jeunesse et apprentissage, brutalité et construction. Je m’interroge sur la question du matériau et son utilité, il est notre environnement, mes références sont mon apprentissage. J’engage une confrontation entre les matériaux et mes repères. Je cherche à savoir quand est-ce que l’apprentissage devient utile.

Tu as une approche directe avec des matériaux bruts, bois, mortier, plâtre, pourquoi ce choix de matériaux ? Qu’est-ce qui t’intéresse ?

Dans mon travail j’utilise des matériaux issus du monde de la construction, j’ai beaucoup travaillé avec du mortier, aujourd’hui je travaille surtout avec du bois et du plâtre. Pour moi ces matériaux ont un sens, ils ont une utilité que je dénature, que je détourne pour en faire une création. Ce sont des matériaux vivants, ils composent notre environnement, nos murs, nos fondations. Pour créer, je viens altérer la matière de ces matériaux. En ce moment je fais beaucoup de pyrogravure, c’est une façon d’altérer la matière en la brûlant, j’en fais des dessins, j’aime cette idée de trouver des moyens « alternatifs » à la création picturale.

Cette idée d’altération implique le fait d’enlever de la matière, en gravant par exemple dans le mortier ou le plâtre, il n’y a pas de retour en arrière, et c’est ça que je trouve intéressant. Chaque support que je crée comporte des imperfections. Quand je travaille avec du bois je cherche en récupération des surfaces marquées par le passage du temps, ces marques je les laisse ainsi, il n’y a pas de retour en arrière, je trouve ça beau. Pour moi il est très important de créer son propre support, que ce soit des matériaux de récupération ou achetés neuf, j’ai ce besoin de construire moi-même l’objet sur lequel je vais travailler.

Quelle est la place de l’aléatoire dans ta pratique ?

J’essaie de maîtriser l’aléatoire, je lui laisse une place dans la mesure où la manipulation de ces matériaux est toujours incertaine. Lorsque j’ai des ratés je les mets de côté mais je ne recommence pas. Il y a une contrainte de poids, travailler avec le mortier par exemple implique que mes travaux pèsent lourd, ce qui est gênant pour les transports, les expositions, etc. Si je veux faire plus léger, il y a un risque que ça casse.

Quelles sont les éléments, les images que tu mets en scène dans ces compositions ? (étoiles, briques, bois). Que veulent-elles dire pour toi ?

Dans mes travaux faits de mortier, beaucoup sont issus d’expérimentations. J’ai mis au point une technique où le séchage du mortier déforme le trait gravé à la surface. Avec ce procédé j’ai réalisé plusieurs dessins assez simplistes qui exploitent la déformation de la ligne pour créer une vision transformée, où plus rien n’est droit, comme si on regarde quelque chose la tête sous l’eau.

Depuis un peu plus d’un an je m’intéresse aux images de dragon, plus particulièrement aux « fan art » d’héroïc fantasy. C’est un moyen pour moi de revenir à des sujets que je regarde depuis mon enfance, surtout dans le domaine du jeu vidéo. C’est un travail long et très précis que j’aime mettre en contraste avec des formes peintes de manière plus « pop ».

Ce que je trouve intéressant c’est ce rapport inattendu entre ces deux imageries, qui renvoient à deux univers complètement différents mais qui se retrouvent dans nos références communes.

Tu travailles sur différents supports et sur différents modes de présentations ? C’est important ce questionnement sur la mise en espace pour toi ?

Tout d’abord, j’ai du mal à considérer mes travaux comme des tableaux, je les vois plus comme des objets qui peuvent s’accrocher à un mur, ou être mis dans l’espace. C’est un questionnement nécessaire car les sujets que je traite ne peuvent pas être résolus sur une surface plane, mais remis dans l’espace pour constituer un environnement, comme une grande aire de jeu.

Comment fais-tu pour produire une œuvre?

Je ne peux pas partir de rien. Pour créer, je dois savoir exactement ce que je dois faire. Pour commencer, je réalise plusieurs dessins de brouillons, des plans, des schémas. Parfois j’utilise Photoshop quand je travaille avec des images plus complexes. Je m’inspire surtout d’éléments trouvés dans la rue, une planche de bois, une barrière, un mur défraîchi, un tag, etc. Tous ces éléments anodins je les photographie.

Pourquoi t’intéresses-tu a ce type d’éléments ?

Je les trouve très inspirants, je peux trouver un mur défraîchi magnifique, dans ses couleurs et ses marques hasardeuses laissées par le passage du temps. Je pense que beaucoup d’artistes, dont moi, sont fascinés par ça et essaient de reproduire ce genre d’altération physique. C’est compliqué d’y parvenir sans artifice, et c’est pour ça que c’est si beau.

Peux-tu décrire ton travail en 3 mots ?

Brut, naïf, ludique.

Quelles sont les références qui t’accompagnent en ce moment dans ton travail et celles qui t’ont beaucoup marqué ?

Comme je l’ai dit précédemment, je regarde beaucoup ce qu’on laisse dans la rue, ou dans un chantier. Il y a aussi beaucoup d’artistes comme Sigmar Polke, Michel Majerus que je redécouvre en ce moment, les dessins de Philip Weisbecker, et des artistes plus conceptuels comme Mario Mertz ou Mike Kelley.

Quelles évolutions souhaites-tu à ta pratique ?

J’ai toujours soif d’apprendre de nouveaux trucs, en ce moment j’ai envie d’apprendre à souder du métal, ça serait super pratique !

Quelles sont pour toi les difficultés en tant que jeune artiste ?

Je dirais que en tant que jeune artiste, on a du mal à savoir où aller quand on sort du cadre scolaire. Très peu de clés nous sont données pour notre sortie d’école et beaucoup d’étudiants comme moi sont dans le flou par rapport à leur avenir en tant qu’artiste. Les jeunes artistes doivent toujours se débrouiller pour parvenir à se faire reconnaître, on a besoin de s’associer pour créer des projets concrets comme des expositions ou des collectifs.

C’est ce que je trouve difficile, mais là je parle surtout pour mon cursus orienté « beaux-arts », car on nous apprend à travailler seul, dans notre atelier. Je regrette un peu de ne pas avoir eu plus de workshop ou de travaux collectifs. Peut-être est-ce lié aussi à notre époque et à l’image qu’on se fait de l’artiste solitaire. C’est une bonne chose de nous réunir quand on est jeune artiste, je pense que c’est la clé si on veut s’en sortir.

Y a-t-il de nouvelles pratiques vers lesquelles tu souhaiterais te diriger ?

Faire un jeu vidéo. J’ai toujours aimé ça et je joue encore pas mal aux jeux vidéos, je pense que ça se ressent dans mon travail. Je me verrais bien un jour travailler dans ce genre de projet.

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