Je suis allé les voir une fois au Botanique. Je ne les connaissais pas du tout, et après dix minutes d’appréhension, j’ai finalement saisi cette énergie incroyable qui se déployait devant moi : quatre amis qui semblaient réaliser un rêve d’enfance sur scène. Le groupe appartient à cette scène musicale francophone qui tente de faire différent, et qui y parvient, même s’il reste bloqué dans un esprit un peu élitiste, revendiquant une appartenance à une classe sociale disparue, gentrifiée.
Un style audacieux et unique
Leur style musical, qu’on pourrait ranger dans une case, se rapproche surtout d’un rock alternatif/garage inspiré des années 2000. D’abord, leur candeur peut sembler fade, mais c’est en réalité tout l’inverse : ils maîtrisent les codes et savent les détruire. Ils mélangent des genres improbables, osant un solo de trompette là où on ne l’attend pas, ou un oud dans un morceau résolument anglais. Ils prennent des risques, déjouent nos attentes, et nous emmènent là où nous n’avons jamais été. Malgré cela, une harmonie étonnante persiste, même si leurs choix musicaux se contredisent souvent.
L’audace inconsciente et marginale d’Unik Ubik
`Unik Ubik nous balance tout ça à la figure, comme s’il ignorait sa propre audace, son caractère marginal et perché. Comme s’il ne mesurait pas son génie. Cette subversion me fait oublier l’arnaque de notre société, celle qui exige brutalement de chacun qu’il s’y conforme sans seconde chance. Elle me rappelle qu’il existe encore un monde à construire, indépendant de siècles de morale imposée. Elle permet aussi une approche différente d’un genre musical bien établi, en salissant une musique qui se vante souvent d’être parfaite. Ils lui ajoutent des défauts, la rendent enfin intéressante, produisant une musique qui donne de faux indices sur son genre, plus déviante et rugueuse qu’elle n’y paraît.
Un voyage musical hors des sentiers battus
Dans certains de leurs morceaux, les débuts évoquent des sensations entraînantes, mais ils parviennent à nous plonger ensuite dans un état tout autre. Je les imagine comme un équipage de pirates fonçant à toute allure, des centaines de matelots remplis d’une énergie naïve et confiante, naviguant pourtant vers un but inconnu. Ils avancent sans se demander quand ils s’essouffleront, jusqu’à l’épuisement s’il le faut. Mais ils donnent tout, sans doutes, persuadés de leur importance.
C’est ce que j’attends d’Unik Ubik : qu’ils m’aident à me persuader que je suis invincible et que le mood dans lequel je suis est le bon.