Tapas Nocturne, ça vient d’où ce blase?
C’est un splendide jeu de mots, avec le fait de faire du tapage nocturne. Ça renvoyait au tapas, qui est quand même un peu facile à manger, un petit truc simple, et comparé à des graffitis plus classiques qui sont un peu indigestes pour le grand public, là, il y avait un côté petite bouchée rapide qui est facilement mangeable et digérable par tout le monde.
Comment t’es venu cette idée de mêler le graffiti et la bande dessinée ?
Un peu par une blague, en vrai, au début. En fait, je m’étais mis à faire des petites BD papier pendant le confinement, et je faisais déjà du graffiti classique depuis un moment. Et puis un jour avec un pote, on a eu l’idée de faire une BD sur un mur, et je me suis pris au jeu, et j’en ai refait d’autres, et ça m’est venu un peu par hasard, quoi.
Ce qui m’a fait rire de voir que ce que je faisais de la même manière que le graffiti, c’est-à-dire aux mêmes horaires, avec les mêmes outils, et sur les mêmes endroits, et vraiment de la même manière, c’était plus du tout perçu de la même manière par les gens dans la rue.
Et ça devenait d’un coup super simple de le faire, parce que t’avais presque plus besoin de te cacher. Et vu que le format de la BD est connu de tout le monde, je pense que ça rassure le passant qui ne connaît pas le graffiti. Il a l’impression de comprendre ce qui se passe. Ce truc-là m’a fait rire, ce décalage entre le fait que j’avais l’impression de faire pareil qu’avant, mais c’était plus du tout perçu de la même manière.
C’est quoi tes inspirations dans la BD, est-ce que ça a à voir avec ce que tu fais ?
Mes inspirations premières, elles sont vraiment dans le graffiti, c’est par là que je suis arrivé à la BD. Je ne suis pas un énorme connaisseur de bande dessinée. J’aime bien les trucs comme Amer Béton ou des trucs assez classiques comme les grandes BD franco-belges etc.
Et puis, je ne sais pas, les gens disent que ça ressemble au chat de Philippe Geluck. Les trucs un peu à plat, 2D, simple, des punchlines, tu vois. L’influence principale, c’est vraiment le graffiti, les flops, les graffitis qui vont vite.
On ressent une tension entre ta volonté de rester proche du tag underground et à la fois, on te voit dans des ateliers avec des jeunes ou dans des événements de street art un peu institutionnalisés où tu te fous un peu de leur gueule, donc comment ça se passe ?
Alors, les ateliers, pour moi, c’est différent, parce que déjà, j’en faisais avant, parce que comme tu le sais, pendant très longtemps, j’étais beaucoup plus rappeur que graffeur. Je faisais du tag mais je n’ai jamais été un graffeur suractif, j’en ai fait quand même longtemps mais voilà, c’était vraiment surtout les tags, les flops, en rentrant de soirée, et l’activité principale, c’était le rap. Mais je me suis mis à faire de plus en plus de peinture, et les ateliers, c’était la suite logique. Et puis je trouve que l’idée de transmettre, c’est quelque chose qui nous parle et encore plus avec les ateliers BD parce que ça permet à tout le monde de s’exprimer et ça crée de belles dynamiques.
Ce qui m’a fait rire, c’est qu’il y a un peu le cul entre deux chaises avec ce personnage.
Moi, ce qui me parle, et ce que j’aime dans la vie, c’est le graffiti classique et ce que je trouve le plus intéressant c’est les lettres imposées de manière illégale. Et puis, depuis quelques années, le graffiti et le rap sont devenus beaucoup plus normal dans la culture, c’est devenu mainstream de partout, même si je ne vois pas forcément un truc négatif, mais c’est vrai que, de ce mouvement-là, il y a le street art qui est maintenant un terme de plus en plus utilisé. Et moi, j’ai toujours un peu refusé ce mot, parce qu’il m’énerve un peu.
Après, j’ai rien contre non plus les gens qui le font, je veux pas faire de grande généralité non plus, mais quand même, y’a beaucoup de fois où tu vois juste un mur street art, et où c’est un truc beau, bien fait, qui dérange personne, et une belle décoration, et je trouvais qu’il manquait de discours dedans.
Es-ce que selon toi on peut prétendre faire du graff sans prendre position ?
C’est une vraie question. Déjà je trouve que même juste écrire son blaze, même s’il n’écrit pas de message, ça peut être une prise de position. Rien que le fait de ne pas demander d’autorisation, de prendre des places qui sont folles, d’imposer son truc je trouve que c’est déjà une prise de position.
Mais après je trouve que, moi, vu l’esthétique de mon truc, c’était important que ce ne soit pas juste un petit personnage niais qui dit que des petites blagues gentilles, et je trouvais ça important qu’il se positionne. Je pense que c’est même plus, est-ce qu’on peut faire du street art sans prendre position.
Parce qu’à la limite le graffiti c’est l’essence même du truc de juste écrire son blaze et de le faire le plus possible, le plus gros possible, et dans les endroits les plus interdits possibles, et du coup rien que ça c’est une prise de position. Alors que d’aller dans la rue et de faire un collage, parce que tu prends aucun risque quand tu fais un collage, et de faire un truc juste beau, collé quelque part, pour moi c’est presque faire de la décoration urbaine.
Aujourd’hui il y a des mairies, elles organisent des parcours de street art, c’est complètement récupérable par les institutions, par les politiques, etc.
Toi tu viens des ateliers d’écriture, mais du coup là, la différence avec le graff c’est que ça permet à des jeunes d’avoir un impact visible sur l’espace public, de s’approprier leur quartier par ce médium là qui est pas super démocratisé encore.
J’avais fait quelques ateliers graffiti purs avant de me mettre à faire de la BD, et bon c’était cool mais il y avait un côté « on vient, on fait notre peinture et puis c’est fini », alors que la BD ça demande plein de choses.
Ce que je trouve cool c’est la dynamique que ça crée: un participant qui sait pas dessiner mais qui a plein d’idées peut être hyper moteur. Et il va se mettre avec un qui sait bien dessiner et ça demande plein de compétences différentes en fait.
Donc c’est l’occasion, en faisant un truc un peu ludique de créer des débats entre les jeunes
Et c’est intéressant de se dire « tiens y’a ça dans la tête de ces jeunes, c’est ça leur imaginaire » et je trouve ça cool de les accompagner là-dedans, de montrer qu’on peut s’exprimer comme ça, et que si on trouve les formes appropriées, on peut dire tout ce qu’on a à dire.
Et ça leur permet effectivement de s’approprier leur lieux de vie et d’être plus visible.
Ok, est-ce que pour finir tu peux nous parler un peu de toi, tes projets, pour 2024 un peu les perspectives sur Tapas ?
La perspective ça va être de sortir le tome 2 de la BD en format physique, comme dirait un rappeur, mais vraiment de sortir une BD, j’en avais sortie une il y a un an et demi là, mais qui est en structure de stock, et du coup là la suite arrive, et puis sinon toujours des ateliers, voilà la suite.