Rolankay, artiste basé à Madrid, se distingue par un style captivant qui plonge le spectateur dans un univers où l’art se suffit à lui-même, sans justification ni artifice.
Comment définir son style ?
Ses dessins sont sublimes. Ce n’était peut-être pas le choix le plus évident, étant donné mon affection pour la majeure partie de son œuvre, mais il me tenait à cœur de vous faire découvrir son univers. Un univers autonome, où chaque question posée par l’artiste trouve sa réponse dans une étonnante transversalité.
C’est un véritable soulagement de contempler un dessin sans avoir à se poser mille questions. On le prend tel qu’il est, sans autre commentaire nécessaire.
L’intensité d’un dessin El Grande, el tonto y el feo
Son dessin El grande, el tonto y el feo (2023) m’a particulièrement attiré l’œil. Il semble paradoxalement lourd et léger, bruyant et silencieux, chaud et glacial, puissant et fragile. Certaines parties de la composition sont baignées d’un noir terriblement profond, presque oppressant, capable d’engloutir n’importe quelle âme vivante. Mais ces ardeurs sont apaisées par une forêt blanche où l’on peut enfin respirer. Cette zone, bien que rassurante, évoque la stérilité d’un monde sans vie, nous rappelant que la mort est omniprésente.
Au moins, ici, rien ne se cache : ni créature étrange, ni trou noir dévastateur. Aucun danger ne rôde dans cette partie du dessin. Tout se concentre ailleurs, sur ce ciel et cette grotte d’apparence apocalyptique.
Là où il y a affirmation, il y a aussi contradiction : dans chaque élément du dessin, une sensation évidente est aussitôt contredite par une émotion opposée. Et c’est précisément cette somme de contradictions qui finit par former une grande affirmation.
Ce type de transversalité stylistique peut facilement échouer si l’artiste ne maîtrise pas son sujet. Mais Rolankay, lui, sait ce qu’il fait. Et c’est un véritable bonheur de voyager à travers ses dessins, d’analyser ses compositions et de s’y perdre. Explorer les liens qu’il tisse, découvrir les réponses originales qu’il apporte à chaque style.
L’intelligence de la transversalité
Avec un trait fin, sobre et dépourvu de prétention, Rolankay parvient à représenter des scènes intenses. Il exprime un chaos saisissant à travers une forme épurée.
Les personnages au cœur de ses univers
Chacun des trois personnages appartient à l’un des deux univers distincts dessinés.
L’un est baigné de lumière, l’autre se tient dans l’ombre, cherchant désespérément à s’en échapper, tandis que le troisième est un mélange des deux, se demandant ce qu’il fait là.
Le personnage central, quant à lui, crée un espace où la vision devient enfin claire. Il n’est ni aveuglé par l’envoûtement d’un soleil hypnotisant, ni écrasé par cette grotte oppressante qui semble vouloir tout dévorer. Par le soin apporté aux détails, il est habité d’une conscience subtile. Il illumine la composition sans jamais être trop présent.
Il semble habité par une nostalgie, une frustration, une profonde déception. Comme si rien ne pouvait surpasser l’importance de sa tristesse.
Il me reste encore tant de sensations à définir, à explorer, et c’est précisément ce qui me plaît. Chacun des dessins de Rolankay invite à être contemplé longuement, à s’y perdre et à s’en imprégner.
Une modernité indifférente et assumée
Il reprend tous les codes du bel art. Mon avis est, bien sûr, très subjectif, mais si l’on considère l’histoire de l’art et les modernités successives qui ont permis aux artistes de se remettre en question, Rolankay ne prétend pas réinventer quoi que ce soit. Et c’est là toute sa force : son indifférence à la modernité le rend, paradoxalement, profondément moderne.